ENTREVISTA del cineasta ROBERTO ROSSELLINI a SALVADOR ALLENDE. 1971

ENTREVISTA del cineasta ROBERTO ROSSELLINI a SALVADOR ALLENDE

El maestro Roberto Rossellini – hombre de izquierda y uno de los directores que impulsó el neorrealismo italiano con filmes como Roma Ciudad Abierta y Paisá– viajó a Chile en 1971 para documentar de labios del propio Allende, en qué consistía este socialismo a la chilena.

Con apenas 8 meses en el cargo, el Presidente Allende habla desde los orígenes de su pensamiento político, luego realiza una defensa de su programa y un análisis de los problemas que aquejan a América Latina.
Exhibida por primera vez en el Festival de Trevignano en Italia, el filme fue bautizado como INTERVISTA A SALVADOR ALLENDE : LA FORZA E LA RAGIONE (Entrevista a Salvador Allende, la Fuerza de la Razón).

El 15 de septiembre de 1973, cuando La Moneda todavía exhalaba el humo tras el bombardeo, los italianos veían por televisión este documento homenajeando al extinto Presidente.

…..”Pienso en el hombre del siglo XXI como un ser humanizado, con un alto nivel de valores, que no se deje llevar por el ansia del dinero y la explotación”, le dice a Allende a Rossellini hacia el final del filme.

A pesar de estar en italiano -de todas formas se entiende bastante- diseccionado en 4 partes que ahora ponemos a disposición.

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Salvador Allende : Un homme politique aux facettes multiples                                                                                     Par José Del Pozo, professeur d’histoire, UQAM

Bien de choses ont été écrites et dites en sur Salvador Allende en occasion du centenaire de sa naissance. Il a été salué tour à tour pour avoir été le plus jeune ministre du premier gouvernement de gauche au Chili en 1938, pour avoir ensuite été le premier  dirigeant marxiste au monde élu démocratiquement à la présidence d’un pays, pour sa défense des richesses naturelles du Chili contre l’emprise du capital étranger et enfin pour  avoir défendu jusqu’à la mort la légitimité de son mandat le jour de son renversement.

Dans le texte qui suit je me propose d’écrire sur le président mort en 1973 non pas pour relever de nouveau les faits qui ont jalonné sa vie politique, mais plutôt pour essayer de cerner sa personnalité et sa trajectoire dans sa spécificité, qui fait de lui un homme politique à la fois unique et très représentatif de son temps et du pays qui l’a vu naître.

En effet : ce qui est fascinant chez Allende c’est sa capacité de s’adresser à des groupes de la société très divers, à conjuguer  des concepts parfois contradictoires et à défendre des options politiques difficiles à harmoniser. C’est donc le politicien aux accents multiples que je vais essayer de caractériser.

filles d'allende (Carmen Paz,Isabel,Beatriz)

D’abord l’homme dans sa vie privée et familiale. Ses adversaires essayaient souvent de le décrier à cause de ses origines « bourgeoises » et de son goût pour la bonne vie, ce qui allait en  contradiction, disait-on, de ses idéaux de gauche. Laissant de côté la superficialité de ces reproches, il reste que le premier n’était pas vraiment fondé. Petit-fils d’un médecin et fils d’un avocat, Allende eut une enfance et une adolescence plutôt aisées et eut droit à certains privilèges, notamment celui de compter sur une domestique à son service personnel, qui l’accompagna durant une bonne partie de sa vie, devenant une sorte de deuxième mère. Mais son père, qui s’appelait aussi Salvador, n’était pas riche et surtout, sa situation économique s’était considérablement détériorée au moment ou le jeune Salvador commençait ses études universitaires, ce qui l’obligea à travailler pour pouvoir compléter sa carrière en médecine.

Le notaire Allende est mort au moment ou son fils terminait ses études, ne laissant aucun héritage matériel à ses enfants. Dans cette perspective, Salvador n’a été ni plus ni moins que beaucoup d’autres jeunes issus de la classe moyenne, qui parvenaient à décrocher un diplôme universitaire grâce en partie au fait que les frais de scolarité de l’Université de Chile, la principale université publique,  étaient très réduits à l’époque, ouvrant ainsi la porte à la mobilité sociale. Allende incarnait aussi le destin de beaucoup de jeunes de sa génération, qui grâce à l’exercice d’une profession atteignaient un meilleur niveau de vie. Dans cela, il n’était pas en contradiction avec les idéaux politiques de gauche.

allende et famille2                                                                                                                                                                      Lorsqu’il faisait ses premiers pas dans la vie politique, Allende épousa une jeune étudiante d’histoire, Hortensia Bussi, issue aussi de la classe moyenne professionnelle. Elle ne pratiqua cependant pas le métier d ‘enseignante auquel elle s’orientait, préférant celui de mère de famille, s’occupant de ses trois filles et plus tard des petits-enfants. Doit-on voir dans cela un signe de « vie bourgeoise », dans lequel l’épouse, confinée à la maison, restait dans l’ombre de son mari, ce qui constituerait une autre contradiction pour le dirigeant socialiste? Et les filles furent éduquées dans un collège privé plutôt huppé, au lieu de fréquenter le lycée public. Nous ne savons pas  comment ces décisions ont été prises; il se pourrait bien que le couple Allende-Bussi ait adopté un cadre de vie assez  fréquent à l’époque dans la classe moyenne des années 1940-1950, dans lequel bien de femmes ne voyaient pas d’objection à rester à la maison, même si elles auraient pu aller sur le marché du travail, sans que cela ait signifié une condition de femme soumise ni dépourvue d’idées.

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Cela s’est vu clairement après le coup d’état de 1973, alors que Hortensia, partie vivre à l’extérieur avec plusieurs de ses petits-enfants, fit preuve d’une grande énergie et détermination, dénonçant les auteurs du coup d’état partout au monde, et demandant aux gouvernements qui la recevaient de les isoler diplomatiquement. Enfin, le fait que deux de ses deux filles se soient lancées avec passion dans la politique prouve clairement que le contexte familial, si « bourgeois » en apparence, était orienté vers les idées défendues par le président.

 allende 002Voyons maintenant la participation d’Allende dans diverses instances de la société chilienne. Tout jeune, en 1925, il fit le service militaire, activité que pour la grande majorité des enfants de la classe moyenne et supérieure, était quelque chose à éviter, considérée comme une perte de temps. Et les jeunes aux idées socialistes ne font pas toujours bon ménage avec les militaires, encore que des exceptions notables sont à signaler, tant au Chili qu’ailleurs [1].

Il est très possible que Salvador ait été influencé par son grand-père, Ramón Allende, qui en tant que médecin fut chargé de diriger une équipe sanitaire accompagnant les troupes chiliennes lors de la campagne contre le Pérou dans la guerre du Pacifique, en 1880. Il partageait certains concepts chers aux militaires, comme la défense de l’ « honneur » et le patriotisme. Cette attitude était tellement ancrée chez Allende qu’il s’était battu en duel à pistolet en 1952 contre un sénateur du parti radical, se sentant insulté par ce dernier. Cet épisode est difficile à comprendre : il s’agissait non seulement d’une pratique désuète mais illégale, et elle tombait en pleine campagne électorale, lors de sa première tentative de devenir président. Heureusement les deux adversaires avaient raté le tir…

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En 1935, peu après avoir participé à la fondation du parti socialiste, Allende prit une autre décision qui ne cadrait pas non plus avec le gauchiste-type : entrer dans les rangs de la franc-maçonnerie. Comment un marxiste peut-il adhérer à une organisation formée par la bourgeoisie et dont les membres ne proviennent jamais de la classe ouvrière? Ses adversaires ont dit plus tard qu’Allende ne cherchait qu’à gagner des appuis politiques. En faisant cela, Allende était sans doute inspiré de nouveau par ce grand-père qu’il admirait, qui avait été aussi franc-maçon à l’époque où cette condition équivalait à agir en tant que critique des valeurs conservatrices de la société. Et il ne faut pas oublier qu’un des fondateurs du PS, Eugenio Matte, avait été aussi membre de cette institution. Enfin, on peut aussi voir cette décision comme une démarche visant à mieux connaître la société chilienne, et à intégrer ce secteur à la gauche socialiste, qui ne devait pas être constituée uniquement par les marxistes. C’était l’Unité populaire avant la lettre, alors que radicaux, sociale-démocrates et chrétiens avaient joint l’alliance des socialistes et communistes.

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Cette perspective ouverte sur la société, qui l’amenait à dialoguer avec des secteurs qui n’étaient pas souvent avec la gauche peut expliquer sa participation au Collège des médecins. Il s’y impliquait à tel point qu’à l’époque où il était ministre de la santé, en 1940, il fut à l’origine de la loi qui créait le Collège, en remplacement de l’ancienne association médicale. Plus tard, il occupa la présidence de l’organisation entre 1950 et 1952. Allende s’intéressait surtout à organiser la médecine publique, afin de concrétiser ses idées sur la prévention des maladies et de doter au pays d’une véritable médecine sociale. Bien des années plus tard, ce même collège lui ferait la vie dure lors de sa présidence, car de nombreux médecins participèrent aux grèves contre son gouvernement, en 1972. Mais sans la participation d’Allende, on peut penser que l’hostilité des médecins aurait été encore pire.

Les autres aspects apparemment contradictoires d’Allende sont bien connus :  la recherche de l’appui du parti radical, déjà en 1964, afin d’élargir l’alliance de la gauche et  ne pas la limiter à l’axe socialiste-communiste, geste qui fut très critiqué au début [2]; son appui moral à la révolution cubaine alors qu’il défendait l’utilisation de la voie électorale pour parvenir au pouvoir au Chili; le dialogue qu’il entamait avec le MIR [3], qui ne croyait pas en sa démarche politique, mais qui acceptait que plusieurs de ses membres fassent partie de la garde personnelle qui assurait la sécurité du président, le GAP, constituent d’autres manifestations de sa capacité à s’ouvrir à toutes les composantes de la gauche, tant au Chili qu’à l’extérieur, afin de faire avancer le projet inédit qu’il essayait d’appliquer, la « voie chilienne vers le socialisme ». À ceux qui affirment que ce projet était voué à l’échec, on peut riposter  qu’il représentait bien la réalité chilienne, la complexité de son expérience politique et la diversité de sa société, de laquelle Allende était issu.

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Allende fut ainsi un homme aux convictions fermes mais très ouvert au dialogue, capable de discuter avec ses adversaires d’hier et de chercher de nouveaux alliés. Ce sont sans doute des qualités qui ont fait de lui un politicien habile et respecté, le seul qui pouvait faire triompher le projet socialiste démocratique au Chili.

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[1] Au Chili, le cas de Marmaduke Grove, chef de la Force aérienne chilienne et créateur de la « République socialiste » de 1932. Au Brésil, le capitaine Luiz Carlos Prestes, devenu chef du parti communiste de son pays dans les années 1930 et 1940. Et plus près de nous, Hugo Chávez au Venezuela…

 [2] Le parti radical, une formation politique très ancienne, était mal vu par les partis marxistes après la trahison du président issu de ce parti, Gabriel González Videla, qui avait mis hors la loi le parti communiste en 1948, qui pourtant avait contribué à son élection en 1946.

 [3] MIR : mouvement de la gauche révolutionnaire, groupe formé en 1965, qui ne faisait pas partie de l’Unité populaire

 

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